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cas, ce moyen est bon ; mais qu’il ne peut par lui-même remplacer aucun acte. Les gens pieux font une prière avant leur dîner, mais ils mâchent eux-mêmes, avec leurs mâchoires. Aussi, je ne me suis pas abstenu de prier quand j’ai donné à mon artillerie à cheval l’ordre de faire feu.

LE PRINCE. – Une telle prière est une dérision des choses saintes, certainement. Le devoir, ce n’est pas de prier Dieu, mais d’agir selon la volonté de Dieu.

LE GÉNÉRAL. – Qu’est-ce que cela veut dire ?

LE PRINCE. – Celui qui, réellement, est animé de l’esprit évangélique, trouvera en soi, quand ce sera nécessaire, la faculté, avec les mots et les gestes, d’agir, par toute son attitude, sur son malheureux frère enténébré que pousse le désir du meurtre ou de quelque autre action coupable. Il saura produire sur lui une impression assez forte pour lui dévoiler d’un seul coup l’erreur et le décider à sortir de la mauvaise voie.

LE GÉNÉRAL. – Ô saints de Dieu ! Ainsi, en face de ces bachi-bouzouks qui grillent les petits garçons, j’aurais dû, selon vous, me mettre à faire des gestes touchants et à prononcer de touchantes paroles ?

M. Z… – À la longue distance où vous vous trouviez les uns des autres, et aussi étant donnée votre réciproque ignorance des langues, les paroles, permettez-moi de le penser, eussent été complètement hors de place. Quant aux gestes propres à produire une troublante impression, en pareille circonstance, j’avoue que je ne conçois rien de mieux que des décharges de mitraille.

LA DAME. – Réellement, dans quelle langue et à