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Vous appréhendiez que les cosaques ne commissent des vols sur les cadavres des bachi-bouzouks et ne rapportassent parmi vous quelque contagion ?

LE GÉNÉRAL. – Oui, justement, je le craignais. Cela me parait clair.

LE PRINCE. – Voilà donc ce que c’est que l’armée chrétienne !

LE GÉNÉRAL. – Les cosaques ! Ma foi, de vrais voleurs. Ils l’ont toujours été.

LE PRINCE. – Voyons, est-ce dans un songe que nous parlons ?

LE GÉNÉRAL. – J’ai en effet l’impression qu’il y a dans notre conversation quelque chose qui ne va pas. Je n’ai jamais pu saisir au juste le sens de votre réclamation.

L’HOMME POLITIQUE. – Le Prince, sans doute, s’étonne de voir que vos cosaques, si parfaits et presque saints, soient par vous-même qualifiés véritables voleurs.

LE PRINCE. – Oui ; je demande comment la guerre peut être une chose « grande, honnête et sainte » quand il apparaît, par vos propres paroles, qu’elle se réduit à une lutte de brigands avec d’autres brigands !

LE GÉNÉRAL. – Ah ! voilà donc de quoi il s’agit ! Une lutte de brigands contre d’autres brigands. Soit ; mais les autres sont d’une espèce toute différente. Pensez-vous effectivement que piller par aventure ce soit la même chose que de griller un petit enfant sur des charbons, devant les yeux de sa mère ? C’est à mon tour de vous interroger. Ma conscience est si tranquille au sujet de cette affaire, que parfois, maintenant,