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— Peut-on s’en servir pour la cavalerie ?

— On le peut.

— Et pour l’artillerie ?

— Difficilement ; mais on le peut.

J’ordonnai de fournir une monture à l’Arménien. Derrière lui, tout le détachement s’engagea dans la gorge. Comment nous fîmes pour gravir la montagne, je ne l’ai pas bien remarqué. De nouveau, j’étais redevenu machine ; et cependant mon âme, légère, me semblait avoir des ailes. Une entière assurance m’animait : je savais ce qu’il fallait faire et je sentais que ce serait fait.

Nous commencions à sortir du dernier défilé après lequel on rejoint la grande route, lorsque je vis l’Arménien faire demi-tour et agiter les mains. « Ils sont là », dit-il. Je m’avançai en regardant de côté et d’autre, avec ma lorgnette : on distinguait la cavalerie. Assurément, pas quarante mille hommes, mais trois à quatre mille hommes, sinon cinq mille. Les démons aperçurent les Cosaques et marchèrent à leur rencontre, tandis que nous sortions du défilé sur leur flanc gauche. Ils dirigèrent une fusillade vers les cosaques. Les monstres asiatiques se servent du fusil européen comme de vrais hommes. Çà et là, un des nôtres tombait de cheval. Le premier des commandants de sotnias s’avança vers moi

— Excellence, donnez l’ordre d’attaquer. Sinon, nous serons fusillés comme des cailles par ces maudits avant d’avoir mis l’artillerie en position. Nous nous chargeons de les disperser nous-mêmes.

— Un moment de patience, mes chers amis. Je sais