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La Russie, elle, subissait à la fois les deux emportements opposés. Il y avait chez elle, surtout depuis un demi-siècle, beaucoup de penseurs, de savants, de professeurs et d’écrivains qui travaillaient à la détacher de tout ce qui était russe et à la faire rompre avec sa tradition politique et religieuse. Ils prêchaient les sophismes fabriqués en Allemagne et en France. Ces hommes se glorifiaient d’être des Occidentaux. En même temps, parmi les fidèles de la tradition russe, un très grand nombre représentaient la Russie comme une puissance à part, ayant en elle-même toute la morale, toute la civilisation, toute la religion, ne devant rien à personne et ne recevant rien de personne. Ceux-là, c’étaient les Slavophiles.

Soloviev combattait les exagérations et les aberrations des uns et des autres. Aux incrédules qui prêchent la morale et le patriotisme, il rappelait que les droits et les devoirs des hommes sont réglés par la loi divine et que la civilisation chrétienne ne peut subsister sans la doctrine chrétienne. Aux croyants qui s’enferment dans une infatuation exaltée, il montrait l’Église russe soumise à l’autorité politique nationale et isolée du centre de la vie religieuse universelle.