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les deux sujets : protection des personnes et protection de l’État.

C’était au douzième siècle, dans la ville de Kiev. Dès cette époque, les princes apanagés professaient, semble-t-il, vos théories sur la guerre. Ils pensaient que la discorde et la bataille réclament le chez soi[1]. Ils refusaient de se mettre en campagne contre les Polovtsi, par pitié pour le peuple et pour ne pas l’exposer aux souffrances de la guerre. Là-dessus, le grand prince Vladimir Monomach leur tint ce discours : « Vous plaignez les manants ; mais vous ne songez pas que voici le printemps qui arrive. Le manant dévorera les champs… »

LA DAME. – Je vous en prie, pas de vilains mots !

M. Z… – Mais c’est dans la Chronique.

LA DAME. – Mais vous ne la savez pas tout entière par cœur. Employez votre langage. Après un début tel que : « Le printemps arrive », on prévoit une suite comme celle-ci : « Les fleurs s’ouvrent, le rossignol commence à chanter, et tout à coup voici le manant, l’homme qui sent mauvais… »

M. Z… – Soit. « Le printemps arrive. Le paysan va dans les champs avec son cheval, pour labourer la terre. Survient le Polovets, qui tue le paysan et qui prend le cheval. Les Polovtsi fourmillent. Ils massacrent tous les paysans, emmènent en captivité les femmes avec les enfants, pourchassent le bétail, brûlant le village. Alors, est-ce que vous ne plaignez pas le peuple ? Moi, je le plains, et c’est pour cela que

  1. En français. (N. d. t.)