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de cause, enfreindre leurs injonctions. Ainsi, vous ne tueriez pas cet homme, quel qu’il fût.

M. Z… – Naturellement, je ne le tuerais pas si la raison et la conscience me le défendaient d’une manière absolue. Mais supposez que la raison et la conscience m’inspirent une conduite tout opposée et qui me semble plus raisonnable et plus scrupuleuse.

LE PRINCE. – C’est curieux. Nous vous écoutons.

M. Z… – D’abord, la raison et la conscience savent compter au moins jusqu’à trois

LE GÉNÉRAL. – Oh ! oh !

M. Z… – Et c’est pourquoi la raison et la conscience, si elles ne veulent pas tromper, ne diront pas deux, quand, en réalité, trois…

LE GÉNÉRAL (avec impatience). – Allons ! Allons !

LE PRINCE. – Je ne comprends rien.

M. Z… – Mais oui, selon vous, la raison et la conscience me parlent seulement de moi-même et du scélérat ; et, suivant vous encore, toute la question se réduit à ceci que, n’importe comment, je m’abstienne de le toucher du doigt. Mais, en vérité, n’est-ce pas, il y a là une troisième personne, qui me parait même la plus intéressante – la victime de la violence mauvaise, victime qui demande mon secours. Celle-là vous l’oubliez continuellement. Néanmoins, la conscience me parle d’elle, et d’elle d’abord. La volonté de Dieu, alors, est que je sauve cette victime ; en épargnant le meurtrier, si je puis. Mais, en n’importe quelle conjoncture, et coûte que coûte, j’ai le devoir de fournir assistance si c’est possible, par l’exhortation ; si non, par la force. Si mes mains sont liées, alors seulement