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LE PRINCE. – Que signifie cette question ?

M. Z… – Elle n’a rien qui puisse vous offenser, je vous assure. Trente ans ?

LE PRINCE. – Un peu plus.

M. Z… – Alors, il vous est certainement arrivé de voir, ou, sinon de voir, d’entendre dire, ou, sinon d’entendre dire, de lire dans les journaux que de mauvaises et d’immorales actions s’accomplissent tout de même dans ce monde.

LE PRINCE. – Eh bien ?

M. Z… – Eh bien, alors ? Cela signifie que « l’ordre moral » ou la vérité, ou la volonté divine, évidemment, ne s’accomplissent point par elles-mêmes ici-bas.

L’HOMME POLITIQUE. – Voilà enfin quelque chose qui se rapporte à la question. Si le mal existe, c’est que les dieux ne veulent pas ou ne peuvent pas l’empêcher ; et, dans les deux cas, il n’y a pas de dieux du tout, en tant que forces toutes-puissantes et bonnes. C’est vieux, mais c’est certain.

LA DAME. – Oh ! Comment ! vous !

LE GÉNÉRAL. – Voilà donc le résultat de notre conversation ! La philosophie fait tourner la tête.

LE PRINCE. – Mais c’est une piètre philosophie que celle-là, comme si la volonté divine avait un lien avec n’importe lesquelles de nos idées sur le bien et sur le mal !

M. Z… – Elle n’est pas liée avec n’importe lesquelles de nos idées, mais elle est liée de la manière la plus intime avec la vraie notion du bien. D’ailleurs, si le bien et le mal sont identiques devant la divinité,