Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gieuses quand il se laisse aller à l’idolâtrie de soi-même. Dans un peuple, l’amour-propre démesuré peut exercer les mêmes ravages que dans un individu et le rendre, comme un particulier, injuste, déraisonnable, fou furieux.

Il y a aussi d’autres égarements, dans le sens inverse. Un peuple peut prendre en mépris et en horreur les sentiments et les traditions qui ont fait sa force. Nous commencions à être entraînés par cet aveuglement, lorsque Soloviev vint nous parler des devoirs d’une nation envers autrui et envers elle-même. Alors, on voyait s’épanouir dans notre politique l’erreur fondamentale qu’une fausse philosophie, une fausse histoire et une fausse littérature cultivaient chez nous depuis un siècle. Beaucoup de Français s’étaient mis à détester le passé de leur pays. Sous prétexte de mieux aimer la France, ils voulaient forger une France qui, par l’âme, par les institutions et par les mœurs, fût tout le contraire de ce qu’elle avait été si longtemps. Persuadés qu’ils avaient pour toujours mis la main sur la vérité historique, philosophique et sociale, ils voulaient encore introduire dans les lois cette vérité prétendue ; et ils appelaient la politique à leur aide.