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sans aucune exception, ni dans un cas unique, ni dans n’importe quelles circonstances ? Même si elle n’admet qu’une seule exception, alors, elle n’est pas absolue.

LE PRINCE. – Non, je n’accepte pas que le problème soit posé de cette manière formelle. Supposons, comme je l’admets, que dans votre exemple exceptionnel, imaginé à dessein pour la discussion…

LA DAME (sur un ton de reproche). – Aïe ! Aie !

LE GÉNÉRAL (ironiquement). – Oh ! oh ! oh !

LE PRINCE (imperturbable). – Supposons que, dans votre exemple imaginaire, mieux vaut tuer que de ne pas tuer – en réalité je ne l’admets pas, mais je veux bien supposer que vous ayez raison ; et même je suppose que votre cas, au lieu d’être imaginaire, est réel. Eh bien ! comme vous en convenez, il s’agit encore d’un cas tout à fait rare et exceptionnel. Or, notre discussion porte sur la guerre, phénomène général, universel. Vous n’oserez pas affirmer que Napoléon, ou Moltke, ou Skobelev se trouvaient dans une situation le moins du monde comparable à celle d’un père obligé de garantir sa fillette contre l’attentat d’un monstre.

LA DAME. – C’est mieux que tout à l’heure. Bravo, mon Prince[1].

M. Z… – En effet. C’est un saut fait avec adresse pour sortir d’une question embarrassante. Cependant, vous me permettrez bien d’établir entre ces deux phénomènes, meurtre unique et guerre, le lien logique

  1. En français. (N. d. t.)