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tente d’accomplir un hideux forfait. Alors, le malheureux père, n’ayant pas le moyen de la protéger autrement, tue l’agresseur. J’ai rencontré cet argument mille fois.

M. Z… – Ce qui est remarquable, cependant, ce n’est pas que vous ayez rencontré l’argument mille fois, mais que, pas une seule fois, personne n’ait entendu les gens de votre opinion critiquer pour de bon, ou même simplement pour la forme, ce pauvre argument.

LE PRINCE. – Mais quelle objection faire ?

M. Z… – Voici. Voici. Eh bien ! si vous ne voulez pas d’une objection en forme, faites-moi, de quelque manière directe et positive, la démonstration suivante : dans tous les cas sans exception, et par conséquent dans celui-là aussi dont nous parlons, ce serait absolument mieux de s’abstenir de résister au mal par la force, plutôt que d’employer la force en risquant de tuer un homme méchant et nuisible.

LE PRINCE. – Mais comment y aurait-il une preuve particulière applicable à une circonstance unique ? Si vous reconnaissez qu’en principe le meurtre est, au point de vue moral, un acte mauvais, alors, le même jugement s’impose dans n’importe quel cas particulier.

LA DAME. – Oh ! voilà qui est faible.

M. Z… – Et même très faible, Prince. Qu’en général, ce soit mieux de ne pas tuer que de tuer, là-dessus aucune discussion ; nous sommes d’accord. Mais la question ne concerne que les cas uniques. On demande ceci : ne pas tuer, est-ce une règle générale ou reconnue telle – réellement absolue et, par conséquent,