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de mauvais. Ce sera comme vous le voudrez, mais votre argumentation cloche. Nous négligerons cette claudication pour ne pas nous engager du coup dans la scolastique. Ainsi, à propos du meurtre, le mal consiste non dans le fait physique de supprimer une existence mais dans la cause morale de ce fait, c’est-à-dire dans la mauvaise volonté du meurtrier. Sommes-nous d’accord ?

LE PRINCE. – Certainement. Sans cette mauvaise volonté, il n’y a pas de meurtre ; il y a seulement malheur ou imprudence.

M. Z… – C’est très clair, quand la mauvaise volonté a fait complètement défaut, par exemple dans le cas d’une opération malheureuse. Mais on peut se représenter une situation d’un autre genre. Quand la volonté, sans se proposer directement d’arracher la vie à un homme, a cependant, d’avance, accepté ce risque pour le cas d’extrême nécessité – ce meurtre-là sera-t-il absolument coupable à vos yeux ?

LE PRINCE. – Certainement il le sera, dès que la volonté a accepté l’idée du meurtre.

M. Z… – Mais, est-ce qu’il n’arrive pas que la volonté accepte l’idée de tuer sans être cependant une volonté mauvaise ? Par conséquent, dans ce cas, le meurtre ne peut être un mal absolu, même au point de vue subjectif.

LE PRINCE. – Cela est tout à fait incompréhensible… D’ailleurs, je devine : vous songez au fameux exemple d’un père qui, dans quelque lieu désert, voit sa fille innocente (pour le plus grand effet, on ajoute en bas âge) attaquée par un garnement furieux qui