Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

meurtre ; donc la guerre est un mal absolu. » C’est un syllogisme du premier genre. Seulement, vous avez oublié que vos deux prémisses, la majeure et la mineure, ont besoin d’être démontrées. Par conséquent, la conclusion est encore suspendue en l’air.

L’HOMME POLITIQUE. – Eh bien ! Est-ce que je n’avais pas dit que nous tomberions dans la scolastique ?

LA DAME. – Oui. Au fait, de quoi donc parlent-ils ?

L’HOMME POLITIQUE. – De certaines prémisses, majeures ou mineures.

M. Z… – Excusez-moi. Nous allons venir tout de suite à la question. Ainsi, vous affirmez que, dans tous les cas, le fait de tuer, c’est-à-dire d’arracher la vie à quelqu’un, est un mal absolu ?

LE PRINCE. – Sans nul doute.

M. Z… – Et être tué, est-ce un mal absolu ou non ?

LE PRINCE. – Pour les Hottentots, oui, naturellement. Mais, enfin, nous parlons du mal moral. Celui-là ne peut consister que dans les propres actions d’un être raisonnable, actions dépendant de lui-même, et non dans ce qui se produit à l’insu de sa volonté. Donc, être tué c’est la même chose que de mourir du choléra ou de l’influenza. Non seulement ce n’est pas un mal absolu, mais même pas du tout un mal. Socrate et les stoïciens nous l’ont appris.

M. Z… – Ma foi, je ne me porterai pas garant d’autorités si anciennes. Mais je ferai remarquer que, dans l’appréciation morale du meurtre, votre absolutisme semble clocher. Selon vous, le mal absolu consisterait à faire subir à autrui une action qui n’a rien