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faudrait savoir comment les hommes intelligents traitent la guerre sous le rapport moral.

L’HOMME POLITIQUE. – Pourvu seulement que nos « hommes intelligents » ne mêlent pas quelque affaire scolastique et métaphysique à un pareil sujet, qui est clair et historiquement conditionné.

LE PRINCE. – Clair ? Comment entendez-vous cela ?

L’HOMME POLITIQUE. – Mon point de vue est le point de vue ordinaire, européen, lequel d’ailleurs, dans d’autres réglons du monde, est, peu à peu, adopté par les gens cultivés.

LE PRINCE. – Et, bien entendu, il consiste essentiellement en ceci : que tout est relatif et qu’il n’y a pas de différence absolue entre l’obligation et la non-obligation, entre le bien et le mal. N’est-ce pas !

M. Z… – Je vous demande pardon. Cette dispute est, suivant moi, inutile à notre débat. Ainsi, par exemple, je reconnais parfaitement une opposition absolue entre le bien moral et le mal moral ; mais, en même temps, il est pour moi très clair que la guerre et la paix ne se plient pas à cette mesure. Ce serait entièrement impossible de peindre la guerre tout en noir et la paix tout en blanc.

LE PRINCE. – Mais c’est une contradiction dans les termes ! Si une chose qui est mauvaise en soi, par exemple le meurtre, peut devenir bonne dans certains cas, quand il vous convient de l’appeler guerre, alors où se place votre distinction absolue du bien et du mal ?

M. Z… – Comme vous simplifiez les questions ! « Tout meurtre est un mal absolu ; la guerre est le