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attachés à leur brouette, ont pour leurs chaînes. Bonnes conditions, n’est-ce pas ! pour parler des vertus militaires et de l’esprit guerrier !

M. Z… – J’ai toujours été persuadé qu’après l’introduction du service militaire universel, ce ne serait plus, pour la suppression de l’armée et des divers états séparés, qu’une affaire de temps et d’un temps pas très prolongé, vu l’allure accélérée avec laquelle marche maintenant l’histoire.

LE GÉNÉRAL. – Vous avez peut-être raison.

LE PRINCE. – Je dirai même que certainement vous avez raison, quoique, jusqu’à présent, l’idée ne m’en fût pas venue de cette manière. Mais enfin, c’est superbe. Pensez donc seulement à ceci : le militarisme engendre, comme sa suprême expression, le service militaire universel obligatoire ; et, par là, précisément, il entraîne la ruine non seulement du militarisme le plus moderne, mais aussi des anciens fondements de l’organisation militaire. C’est merveilleux !

LA DAME. – La figure du prince en est égayée. À la bonne heure. Tantôt, il avait un air morne, qui ne sied pas du tout au « vrai chrétien ».

LE PRINCE. – Il y a autour de nous trop de choses attristantes. Seul un sujet de joie me reste : la pensée que le triomphe de la raison est assuré, malgré tout.

M. Z… – Qu’en Europe et en Russie le militarisme se dévore lui-même, c’est certain. Mais quelles joies et quels triomphes résulteront de ce fait, cela est encore à voir.

LE PRINCE. – Comment ? Vous doutez que la guerre et l’œuvre guerrière soient un mal extrême et absolu