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Comment ? Est-ce que ce sont tous des soldats ?

LE GÉNÉRAL. – Pas tous, mais la moitié.

L’HOMME POLITIQUE. – Oh ! Quelle exagération encore !

LE GÉNÉRAL. – Je ne vous propose pas d’en faire un à un le recensement statistique. Je me contente d’affirmer que tous les saints de notre propre Église russe ne se divisent qu’on deux classes : ou des moines de différents ordres ; ou des princes, c’est-à-dire, pour autrefois, des gens de guerre. Nous n’avons pas d’autres saints, du moins, naturellement, dans le sexe mâle. Ou des moines, ou des soldats.

LA DAME. – Vous avez oublié les fanatiques.

LE GÉNÉRAL. – Je ne les ai pas oubliés du tout. Mais les fanatiques formaient une espèce de moines irréguliers. Ce que les cosaques sont pour l’armée, les fanatiques l’étaient pour le monde monacal. En outre, si vous me découvrez parmi nos saints russes un seul prêtre blanc, un marchand, un scribe, un secrétaire de chancellerie, un bourgeois, un paysan, en un mot quelqu’un de n’importe quelle profession excepté les moines et les soldats, je vous laisse tout ce que, dimanche prochain, je rapporterai de Monte-Carlo.

L’HOMME POLITIQUE. – Merci. Vous pouvez garder votre trésor et votre moitié de saints, tout ensemble. Mais, s’il vous plaît, expliquez-moi seulement et au juste ce que vous voulez conclure de votre découverte ou de votre constatation. Prétendez-vous soutenir que seuls les moines et les soldats peuvent servir de modèles en fait de moralité ?