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fondement de cette assurance. On dépouille la guerre de ce que le langage savant appelle « la sanction religieuse et morale ».

L’HOMME POLITIQUE. – Vous exagérez terriblement. On ne constate pas dans les idées une révolution si complète. D’ailleurs, tout le monde a toujours su que la guerre est un mal et que moins il y en a, mieux cela vaut. Par contre, tous les gens sérieux reconnaissent aujourd’hui que cette espèce de mal ne peut pas encore, à notre époque, être entièrement écartée. Donc, il ne s’agit pas d’abolir la guerre, mais, graduellement et peut-être lentement, de la renfermer dans des limites très étroites. En somme, la guerre continue d’être jugée comme elle le fut toujours : un mal inévitable, une calamité à laquelle on ne doit se résigner que dans les occasions extrêmes.

LE GÉNÉRAL. – Rien d’autre ?

L’HOMME POLITIQUE. – Rien d’autre.

LE GÉNÉRAL (se levant brusquement). – Avez-vous jamais jeté un coup d’œil sur la liste des saints ?

L’HOMME POLITIQUE. – Sur le calendrier ? Oui, il m’est arrivé de le consulter, pour savoir le jour où l’on doit souhaiter une fête.

LE GÉNÉRAL. – Et avez-vous remarqué quels sont les saints qui figurent là ?

L’HOMME POLITIQUE. – Il y en a de plusieurs sortes.

LE GÉNÉRAL. – Mais de quelle condition ?

L’HOMME POLITIQUE. – De condition diverse, je pense.

LE GÉNÉRAL. – Eh bien ! voici justement : pas très diverse.

L’HOMME POLITIQUE. –