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par exemple, qu’en vertu de la décision des autorités, je me trouve placé à la tête de tout un district militaire. Il s’ensuit que mon devoir est de diriger, de toute façon, les troupes qui me sont confiées ; d’entretenir et d’affermir en elles une certaine manière de penser ; d’exercer sur leur volonté une direction déterminée ; de monter leurs sentiments à un certain accord ; bref, de les instruire, pour ainsi parler, selon l’esprit de leur mission. Très bien. Dans ce but, il m’appartient, entre autres choses, de donner aux troupes de mon district des ordres généraux, en mon propre nom et sous ma responsabilité personnelle. Supposez que je demande à l’autorité supérieure de me dicter les ordres que je dois prescrire ou de m’indiquer la manière de rédiger ceux que j’ai reçus. Est-ce que, dans le premier cas, on ne m’appellerait pas « vieux fou » ? et dans le second, est-ce que je ne serais pas tout simplement mis à la retraite ? Voilà la preuve que je dois agir sur mes troupes selon un certain esprit qui, naturellement, est d’avance et une fois pour toutes approuvé par l’autorité supérieure, de telle sorte qu’une consultation serait sottise ou impertinence. Et voici que cet esprit, qui, au fond, a été le même depuis Sargon et Assourbanipal jusqu’à Guillaume II, est subitement mis en doute ! Hier encore, je savais que mon rôle était de soutenir et de développer parmi mes troupes non pas un esprit quelconque, mais précisément l’esprit militaire – la disposition de chaque soldat à battre les ennemis et à se faire tuer lui-même – ce qui exige, absolument, l’assurance que la guerre est une chose sainte. Or, aujourd’hui, on détruit le