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diverses. Pardonnez à ma franchise : j’ai fait comme si cela s’adressait au voisin. Nuage sans tonnerre. J’ai entendu et j’ai oublié. Mais maintenant la question est tout autre. Il faut la regarder en face. Aussi, je demande ce que nous avons à faire. Que dois-je penser de moi, c’est-à-dire de tout soldat ? Quelle idée vais-je avoir de moi-même : un homme digne de ce nom ou le rebut de la nature ? Suis-je estimable pour le concours que je m’efforce de donner à une œuvre importante et bonne ? ou serai-je effrayé d’avoir ma part de cette œuvre et vais-je m’en repentir et, humblement, demander pardon à tous les pékins pour mon indignité professionnelle ?

L’HOMME POLITIQUE. – Quelle manière fantastique d’envisager la question ! Comme si on s’était mis à réclamer de vous quelque chose de spécial ! Les nouvelles exigences ne vous concernent pas. Elles s’adressent aux diplomates et aux antres pékins, qui se soucient très peu de votre « indignité », de même que de votre christianité. De vous, maintenant, ainsi qu’autrefois, une seule chose est requise : exécuter sans contestation les ordres des autorités.

LE GÉNÉRAL. – Comme vous ne vous intéressez pas à la guerre, vous vous en faites naturellement une idée « fantastique », suivant votre expression. Vous ignorez, on le voit bien, que, dans certaines circonstances, les ordres donnés pat l’autorité consistent seulement en ceci : qu’on n’attende pas et qu’on ne lui demande pas ses ordres.

L’HOMME POLITIQUE. – Mais quoi ? précisément ?

LE GÉNÉRAL. – Précisément : eh bien ! supposez,