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insouciants d’Épicure, d’un colonel prussien et de Voltaire). – Si l’armée russe existe ? Évidemment, elle existe. Auriez-vous entendu dire qu’elle a été abolie ?

LE GÉNÉRAL. – Ne feignez donc pas de vous méprendre ! Vous saisissez parfaitement que je ne parle pas de cela. Je demande si, maintenant ainsi que jadis, j’ai le droit de considérer l’armée existante comme une véritable force militaire chrétienne ; ou si cette dénomination n’a plus de valeur désormais et doit être remplacée par une autre.

L’HOMME POLITIQUE. – Ah ! voilà ce qui vous inquiète ! Mais la question n’est pas de notre compétence. Adressez-vous plutôt à la Chambre héraldique, chargée de surveiller l’usage des litres de toute sorte.

M. Z… (avec quelque arrière-pensée). – Probablement, à une telle question la Chambre héraldique répondrait que la loi n’interdit pas l’emploi des anciens titres. Est-ce qu’on a empêché le dernier prince de Lusignan de s’appeler roi de Chypre, quoiqu’il n’exerçât pas le moins du monde le gouvernement de Chypre et quoique ni sa santé ni sa bourse ne lui permît de boire du vin de Chypre ? Pourquoi donc notre armée actuelle ne pourrait-elle pas être qualifiée service militaire du Christ ?

LE GÉNÉRAL. – Il ne s’agit pas de qualifications. Blanc ou noir, est-ce un titre ? Doux ou amer, est-ce un titre ? Héroïsme ou lâcheté, est-ce une affaire de titre ?

M. Z… – Cela ne dépend pas de moi. C’est l’affaire des gens qui représentent la légalité.

LA DAME (à l’Homme politique). Pourquoi vous en