Page:Soloviev - Trois entretiens sur la guerre, la morale et la religion, trad Tavernier, 1916.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’incarnation du Mal ; pour une lutte universelle, pour une immense manifestation d’imposture et pour la complète revanche de la vérité. Voilà les deux pôles du drame.

Ce drame est présenté sous la forme d’une narration. Je ne m’excuse pas de le résumer de la manière la plus sèche, puisqu’on pourra, plus loin, le lire tout entier.

Le vingtième siècle (le nôtre) ouvre le récit.

En ce temps-là, nous n’en sommes plus à l’appréhension du péril jaune, mais à la pleine vision de ce péril. Les Japonais ont subjugué la Chine, sur laquelle ils ont installé une dynastie de leur race. A la tête d’innombrables armées mongoles, ils envahissent les territoires européens. La Russie est vaincue. (C’est cette prévision de 1899 qui, en 1904, valut à Soloviev, de la part de ses compatriotes, l’honneur d’être salué comme un prophète.) L’Allemagne se défend avec un succès relatif, mais, attaquée en même temps par la France, où règnent les partisans de la revanche tardive, l’Allemagne est réduite à désarmer devant l’empereur jaune. Celui-ci est fêté par les Français, toujours enthousiastes. L’Angleterre n’évite l’invasion qu’en versant aux vainqueurs un milliard de livres