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VIEUX-TEMPS

pas un paysage que regrette la pauvre femme, c’est la maison même qu’elle habitait. Il me semble voir, tant elle m’en a parlé, la vaste et claire cuisine, ce poêle énorme de fonte où disparaissaient des troncs d’arbres presque entiers, et le chaudron, jamais assez grand pour les « bouillis » monstres qu’elle faisait aux « engagés ». Je vois aussi les chambres spacieuses et j’entends les bruits joyeux qui les remplissaient quand tous les Cadorette, disséminés dans la Province, arrivaient en août chez leur tante de Ste-Anne pour « casser » le blé d’Inde. Les jeunes appelaient cela la « Corvée » ; les vieux, qui avaient gardé les expressions d’autrefois, disaient la « Courvée ». Que cette réunion familiale était gaie ! Aussi, quand, à la mort de son mari, Madame Cadorette dut tout vendre, tout abandonner pour aller vivre au village, elle ne put renoncer à sa fête annuelle et emporta de Ste-Anne le grand chaudron à bouillis et quatre épis de son blé d’Inde sucré, le meilleur de la Province, paraît-il… Plusieurs années ont passé depuis ce jour ; des dix enfants Cadorette il ne reste plus à « Vieux-Temps » que les deux derniers, mais le blé d’Inde que, chaque année, Charlemagne sème dans le grand jardin, est toujours le véritable descendant des quatre épis de Sainte-Anne.