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LA CORVÉE DU CIMETIÈRE

gravelle. Au milieu de ce fracas, on pouvait entendre distinctement les cris des conducteurs, excitant leurs bêtes de somme par les noms qu’ils leur avaient donnés. Il y en avait de toutes les nuances et aucune couleur de l’arc-en-ciel n’y manquait. C’était une véritable cacophonie de : « Avance donc, Noir. Pas si vite, Rouge. Arrête, Blanc, etc… »

Le père Michel lui était partout : on eût dit qu’il avait le don d’ubiquité. Tantôt il apparaissait au milieu des manœuvres dont la besogne consistait à redresser les monuments funéraires qu’avaient renversés les tempêtes, tantôt il se mêlait à ceux qui faisaient disparaître la mousse ou la rouille des mausolées. Sans doute, monsieur le curé assistait. Sans sa présence, l’événement eût été incomplet. Il fallait qu’il y fût pour que chacun reçût le mot de bienveillant encouragement ; il fallait qu’il y fût surtout pour présider la fin de la corvée. On lui désignerait le conducteur de la meilleure paire de chevaux de la journée ou encore le plus infatigable des manœuvres, et le soir venu, aux pieds du Christ, du cimetière l’heureux vainqueur recevrait des mains du pasteur le prix tant convoité.