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mais en faire qu’avec de grands désavantages, quelque liberté et quelque sûreté que la loi puisse lui donner. Le fermier est, à l’égard du propriétaire, ce qu’est un marchand qui commerce avec des fonds d’emprunt, à l’égard de celui qui commerce avec ses propres fonds. Le capital de chacun de ces deux marchands peut bien se grossir ; mais à égalité de prudence dans leur conduite, le capital de l’un grossira toujours beaucoup plus lentement que celui de l’autre, à cause de la grande part de profits qui se trouve emportée par l’intérêt du prêt. De même, à égalité de soins et de prudence, les terres cultivées par un fermier s’amélioreront nécessairement avec plus de lenteur que celles qui sont cultivées par les mains du propriétaire, par rapport à la grosse part du produit qu’emporte le fermage, et que le fermier aurait employée en autant d’améliorations nouvelles, s’il eût été propriétaire. D’ailleurs l’état d’un fermier est, par la nature des choses, au-dessus du propriétaire. Dans la majeure partie de l’Europe, on regarde les paysans comme une classe inférieure même à un bon artisan, et dans toute l’Europe ils sont au-dessous des gros marchands et des maîtres manufacturiers. Il ne peut donc guère arriver qu’un homme, maître d’un capital un peu considérable, aille quitter son état, pour se mettre dans un état inférieur. Par conséquent, même dans l’état actuel de l’Europe, il est probable qu’il n’y aura que très-peu de capital qui aille, des autres professions, à celle de faire valoir des terres comme fermier. Il y en va peut-être plus dans la Grande-Bretagne que dans tout autre pays, quoique là même les grands capitaux qui sont en quelques endroits employés par des fermiers aient été gagnés en général à ce genre de métier, celui de tous peut-être où un capital se gagne le plus lentement. Cependant, après les petits propriétaires, les gros et riches fermiers sont, en tout pays, ceux qui apportent le plus d’améliorations aux terres. C’est ce qu’ils font peut-être plus encore en Angleterre qu’en aucune autre monarchie de l’Europe. Dans les gouvernements républicains de la Hollande et du canton de Berne, les fermiers, dit-on, ne le cèdent en rien à ceux d’Angleterre.

Mais par-dessus tout, ce qui contribua à décourager la culture et l’amélioration des terres, dans la police administrative de l’Europe, que les terres fussent entre les mains des fermiers ou dans celles d’un propriétaire, ce fut, premièrement, la prohibition générale d’exporter des grains sans une permission spéciale, ce qui paraît avoir été un règlement très-universellement reçu ; et secondement, les entraves qui furent mises au commerce intérieur, non-seulement du blé, mais de