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stitue véritablement une richesse et ce qui en détermine la valeur, c’est le besoin du consommateur. Il n’existe point de richesse proprement dite ni de valeur absolue. Ces deux mots richesse et valeur ne sont que des mots corrélatifs de ceux-ci : consommation et demande, quoique cette relation, comme nous l’avons observé plus haut, soit sujette à éprouver des variations accidentelles et momentanées, soit d’un côté, soit de l’autre. Même ce qui est propre à nourrir l’homme n’est point une richesse dans un pays inhabité et inaccessible, et à quelque degré que la civilisation soit parvenue, le principe reste le même. Si la masse des richesses vient à excéder la somme des besoins, dès lors une partie de cette richesse cessera d’être richesse et rentrera dans la classe des êtres sans valeur. Vainement donc l’agriculture multipliera ses produits ; au moment où ils dépasseront les besoins de la consommation actuelle, une partie de ces produits sera sans valeur, et l’intérêt privé, ce premier régulateur de la direction du travail et de l’industrie, se voyant trompé dans ses spéculations, ne manquera pas de tourner d’un autre côté son activité et ses efforts.

Distinguer le travail des ouvriers de l’agriculture d’avec celui des autres ouvriers, est une abstraction presque toujours oiseuse. Toute richesse, dans le sens dans lequel nous la concevons, est nécessairement le résultat de ces deux genres de travail, et la consommation ne peut pas plus se passer de l’un que de l’autre. Sans leur concours simultané il ne peut y avoir de chose consommable, et par conséquent point de richesse. Comment pourrait-on donc comparer leurs produits respectifs, puisque, en séparant ces deux espèces de travail, on ne peut plus concevoir de véritable produit, de produit consommable et ayant une valeur réelle ? La valeur du blé sur pied résulte de l’industrie du moissonneur qui le recueillera, du batteur qui le séparera de la paille, du meunier et du boulanger qui le convertiront successivement en farine et en pain, tout comme elle résulte du travail du laboureur et du semeur. Sans le travail du tisserand, le lin n’aurait pas plus le droit d’être compté au nombre des richesses, que l’ortie ou tout autre végétal inutile. À quoi pourrait-il donc servir de rechercher lequel de ces deux genres de travail contribue le plus à l’avancement de la richesse nationale ? N’est-ce pas comme si l’on disputait pour savoir lequel, du pied droit ou du pied gauche, est plus utile dans l’action de marcher ?