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réelle du propriétaire, c’est-à-dire à lui retrancher de son pouvoir sur le travail d’autrui ou sur le produit de ce travail. La masse totale du produit annuel de la terre et du travail d’un pays, ou, ce qui revient au même, la somme totale du prix de ce produit annuel, se divise naturellement, comme on l’a déjà observé[1], en trois parties : la rente de la terre, les salaires du travail, les profits des capitaux, et elle constitue un revenu à trois différentes classes du peuple : à ceux qui vivent de rentes, à ceux qui vivent de salaires, à ceux qui vivent de profits. Ces trois grandes classes sont les classes primitives et constituantes de toute société civilisée, du revenu desquelles toute autre classe tire en dernier résultat le sien.

Ce que nous venons de dire plus haut fait voir que l’intérêt de la première de ces trois grandes classes est étroitement et inséparablement lié à l’intérêt général de la société. Tout ce qui porte profit ou dommage à l’un de ces intérêts, en porte aussi nécessairement à l’autre. Quand la nation délibère sur quelque règlement de commerce ou d’administration, les propriétaires des terres ne la pourront jamais égarer, même en n’écoutant que la voix de l’intérêt particulier de leur classe, au moins si on leur suppose les plus simples connaissances sur ce qui constitue cet intérêt[2]. À la vérité, il n’est que trop ordinaire qu’ils manquent même de ces simples connaissances. Des trois classes, c’est la seule à laquelle son revenu ne coûte ni travail ni souci, mais à laquelle il vient, pour ainsi dire, de lui-même, et sans qu’elle y apporte aucun dessein ni plan quelconque. Cette insouciance, qui est l’effet naturel d’une situation aussi tranquille et aussi commode, ne laisse que trop souvent les gens de cette classe, non-seulement dans l’ignorance des conséquences que peut avoir un règlement général, mais les rend même incapables de

  1. Chap. vi.
  2. Ils tendront naturellement à l’égarer par leur ardent désir d’avoir de larges revenus au moyen de la hausse générale des prix : nous en avons eu un remarquable exemple en 1815. À cette époque où les classes laborieuses et tout le pays, dans un vaste rayon, étaient livrés à la détresse depuis plusieurs années par le haut prix des subsistances, et où il était constant que l’Angleterre n’avait pas depuis longtemps produit le blé nécessaire à la consommation, les propriétaires fonciers usèrent de toute leur influence pour faire prohiber les importations, et imposer ainsi des charges énormes à la société dans un but d’intérêt privé. Buchanan.