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viande de boucherie est une récolte qui met quatre ou cinq années à croître. Or, comme une acre de terre produira une beaucoup plus petite quantité d’une de ces deux espèces de nourriture que l’autre, il faut que l’infériorité de la quantité soit compensée par la supériorité du prix. S’il y avait plus que compensation, on remettrait des terres à blé en prairie ; et si la compensation n’était pas obtenue, une partie des prés serait remise en terres à blé.

On doit cependant entendre que ce n’est que dans la plus grande partie seulement des terres cultivées d’un grand pays, que peut avoir lieu cette égalité entre les rentes et profits fournis par les prés et prairies, et ceux fournis par le blé ; entre la terre dont le produit nourrit immédiatement le bétail, et celle dont le produit nourrit immédiatement les hommes. Il y a des situations locales particulières où il en est tout à fait autrement, et où la rente et le profit que donne l’herbe des prés sont fort au-dessus de ceux que le blé pourrait rendre.

Ainsi, dans le voisinage d’une grande ville, la demande de lait et de fourrage contribue plus souvent, avec le haut prix de la viande de boucherie à élever la valeur de l’herbe des prés au-dessus de ce qu’on peut appeler sa proportion naturelle avec la valeur du blé. Il est évident que cet avantage local ne peut se communiquer aux terres situées à quelque distance.

Des circonstances particulières ont quelquefois rendu certains pays si peuplés, que tout le territoire, semblable à celui du voisinage d’une grande ville, n’a pu suffire à produire à la fois et le fourrage et le blé qu’exigeait la consommation. Ils ont donc par préférence employé leurs terres à la production du fourrage, comme la denrée la plus volumineuse et la plus difficile à transporter au loin ; et la nourriture de la masse du peuple, le blé, a été principalement importée des pays étrangers. Telle est à présent la situation de la Hollande, et telle semble avoir été celle d’une partie considérable de l’ancienne Italie, pendant la prospérité des Romains. Au rapport de Cicéron[1], Caton l’Ancien disait que le premier genre d’exploitation et le plus profitable dans une ferme, c’était de faire d’excellents pâturages ; le second, d’en faire de médiocres, et le troisième, d’en faire de mauvais. Il ne mettait le labourage qu’au quatrième rang pour le profit et l’avantage. À la vérité, dans cette

  1. De Officiis, lib. ii, § 25.