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classe supérieure, ne pouvant plus se procurer d’ouvrage dans leur emploi, seraient bien aises d’en trouver dans les classes inférieures. Les classes les plus basses se trouvant surchargées non-seulement de leurs propres ouvriers, mais encore de ceux qui y reflueraient de toutes les autres classes, il s’y établirait une si grande concurrence pour le travail, que les salaires seraient bornés à la plus chétive et à la plus misérable subsistance de l’ouvrier[1]. Beaucoup d’entre eux, même à de si dures conditions, ne pourraient pas trouver d’occupation ; ils seraient réduits à périr de faim, ou bien à chercher leur subsistance en mendiant ou en s’abandonnant au crime. La misère, la famine et la mortalité désoleraient bientôt cette classe, et de là s’étendraient aux classes supérieures, jusqu’à ce que le nombre des habitants du pays se trouvât réduit à ce qui pourrait aisément subsister par la quantité de revenus et de capitaux qui y seraient restés, et qui auraient échappé à la tyrannie ou à la calamité universelle. Tel est peut-être, à peu de chose près, l’état actuel du Bengale et de quelques autres éta-

  1. Le grand mal de la condition du travailleur est la pauvreté, développée par la rareté de la nourriture ou du travail ; aussi, dans tous les pays, a-t-on décrété des lois sans nombre pour la soulager. Mais il est, dans l’état social, de ces misères que la loi ne peut soulager : et c’est pourquoi il est utile de connaître la limite de leurs effets, afin de ne pas manquer le bien réellement possible en voulant atteindre ce qui est hors de notre portée.

    Par un accroissement de population, qui ne serait pas suivi d’un accroissement de nourriture, la même somme alimentaire devrait être répartie entre un plus grand nombre de consommateurs, qui tous, naturellement, auraient une moindre portion ; les mêmes effets résulteraient d’une diminution dans les subsistances sans diminution proportionnée dans la population. La loi est généralement intervenue dans ces circonstances, soit pour régler les salaires, soit pour extorquer aux riches des sommes destinées à être données aux pauvres. Mais le mal gît dans la rareté des subsistances : et il n’y a d’autre remède que dans un surcroît d’approvisionnement. Les lois et les donations en argent sont également impuissantes, car ce n’est pas de l’argent, mais de la nourriture qu’il faut. Quand même le salaire de chaque travailleur serait doublé ou triplé, ce besoin subsisterait, car aucune classe ne peut obtenir de secours au sein de la détresse générale, sans que ce soit aux dépens d’une autre. D’ailleurs, toute société est principalement composée de travailleurs, et comme il n’est aucun ordre d’individus qui puisse les remplacer, c’est par leurs privations seulement, qu’on peut transformer un approvisionnement imparfait en un produit égal à celui des années ordinaires.
    Buchanan.