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tout l’empire, les hommes de valeur prêtaient l’oreille pour écouter (les ordres), restaient immobiles de pied ferme, bâillonnaient leurs bouches et ne parlaient pas. C’est pourquoi ces trois souverains perdirent la droite voie ; les sujets fidèles n’osèrent pas leur adresser des remontrances ; les hommes sages n’osèrent pas leur donner des conseils. Quand l’empire était déjà bouleversé, le mal n’avait point été porté à la connaissance de l’empereur. N’est-ce pas déplorable ?

Les anciens rois savaient que l’obstruction (des rapports entre le prince et son peuple) est funeste à l’État ; c’est pourquoi ils avaient institué les ducs du palais, les hauts dignitaires, les grands officiers et les fonctionnaires pour qu’ils missent en vigueur les lois et instituassent les châtiments, et l’empire fut bien gouverné. Quand (les anciens rois) furent puissants, ils arrêtèrent les violents, exterminèrent les fauteurs de troubles, et l’empire leur fut soumis ; quand ils s’affaiblirent, les Cinq hégémons maintinrent l’ordre, puis les seigneurs suivirent leur exemple[1] ; quand ils furent amoindris, à l’intérieur ils furent bien gardés, à l’extérieur on leur resta attaché, et leurs dieux de la terre et des moissons

  1. Kia I prend ici le contre-pied de l’idée qui est exprimée par Mencius (VI, b, chap. VII, § 1), quand il dit : « Les cinq hégémons furent coupables par rapport aux trois rois (c’est-à-dire les fondateurs des dynasties Hia, Yn et Tcheou) ; les seigneurs d’aujourd’hui sont coupables par rapport aux cinq hégémons ; les grands officiers d’aujourd’hui sont coupables par rapport aux seigneurs d’aujourd’hui. Mencius se plaint de la décadence progressive qui s’est produite lorsque l’autorité a passé des rois aux hégémons, puis aux seigneurs et enfin aux grands officiers. Kia I loue au contraire l’ancienne organisation qui permit aux Tcheou de régner pendant plusieurs siècles, même alors que leur pouvoir se fût affaibli, au lieu que les Ts’in s’effondrèrent d’un seul coup.