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Le Conte de l’Archer.

rant que pareil trésor de science fût destiné à se perdre dans la vie ignorante des camps. Car vous pensez bien que maître Guillaume s’était enragé plus que jamais dans l’intention de faire un héros guerroyant de son fils.

— C’eût été cependant un bon mari, pensait Mathieu Clignebourde, non pas qu’il ait la vigueur dont les femmes ont coutume de s’applaudir en ménage ; mais il est de la pâte des tranquilles époux que ces dames mènent par le bout du nez, et à qui elles font prendre des vessies pour des lanternes, j’entends des amants pour des cousins. C’eût bien été l’affaire de mon Isabeau.

— Je le regrette pour la moinerie, disait de son côté frère Étienne, non pas qu’il ait l’estomac qu’il faut pour boire autant qu’il convient dans notre saint état ; mais il y serait devenu un savant, et il n’est pas mauvais que nous montrions de temps en temps au monde quelque docteur disert sorti de nos rangs, ne fût-ce que pour confondre les impies qui nous traitent de sacs à vin.

Et Tristan, lui, qu’avait-il pensé durant ce temps-là ?

Il avait beaucoup regardé Isabeau, qui, elle aussi, avait grandi et était devenue belle à miracle. L’or de ses cheveux avait bruni, et ses yeux, jadis