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ŒUVRES EN PROSE

C’est une chose terrible de savoir qu’elle est un cadavre en décomposition, elle qui, peu de jours auparavant, était pleine de vie et d’espérance, jeune femme innocente et belle, arrachée au sein de la paix domestique, et laissant vide cette place individuelle que la mort oblige chacun à céder.


II


En cela, la mort de la princesse Charlotte ressemble à la mort de milliers de gens.

Que de femmes meurent en couches et laissent dans la vie leur famille d’enfants sans mère et leurs maris, navrés au souvenir de cette perte accablante ? Que de femmes aux vertus actives et énergiques, douces, affectueuses et sages, dont l’existence, chaîne de bonheur et d’union, une fois brisée, laisse périr ceux qu’elle unissait, sont mortes et ont été pleurées avec une amertume trop grande pour être exprimée par des mots ?

Il en fut qui périrent dans la pauvreté ou la honte, et leur petit enfant orphelin a survécu pour être en butte au dédain et à la négligence des étrangers.

Des hommes ont veillé près du lit de leurs épouses mourantes, et ont été affolés quand la mort a fait entendre dans la gorge ses hideuses cliquettes, sans se soucier de l’enfant au teint rose qui dormait sur les genoux de l’indifférente garde-malade.