Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1873, tome 10.djvu/89

Cette page n’a pas encore été corrigée

Pourquoi me présentes-tu ce papier avec un regard mauvais ? Si ce sont des nouvelles de beau temps, annonce-les par un sourire ; si ce sont des nouvelles, de mauvais temps, tu n’as qu’à conserver cette physionomie. — L’écriture de mon mari ! cette damnée empoisonneuse Italie jl’aura fait tomber dans quelque piège, et il est maintenant dans quelque passe difficile. — Parle, ami ; tes paroles pourront atténuer quelque chose d’excessif qui se trouve peut-être dans cette lettre, et dont la lecture serait pour moi la mort.

PISANIO. — Lisez, je vous en prie, et vous verrez que je Suis, moi misérable, l’être le plus dédaigné, de la fortune.

IMOGÈNE, lisant. — « Ta maîtresse, Pisanio, a joué la catin dans mon lit : les preuves en sont enfoncées dans i mon cœur qui en saigne. Je ne parle pas sur de faibles conjectures, mais sur des preuves aussi fortes que ma douleur, et aussi certaines que la vengeance que j’attends. Ce rôle de vengeur, tu dois le jouer pour moi, Pisanio, si lu n’as pas souillé ta fidélité en favorisant la brèche qu’elle a faite à la sienne. Enlève- lui la vie de tes propres mains : je t’en fournirai l’opportunité à Milford-Haven ; elle a reçu une lettre de moi dans ce but ; si tu crains de frapper et de me donner la preuve certaine que c’est chose faite, tu es le complaisant de son déshonneur, et tu m’es déloyal à son exemple. »

PISANIO. — Qu’ai-je besoin de tirer mon épée ? cette lettre lui a déjà coupé la gorge. — Non, c’est le résultat de la calomnie dont- le tranchant, est plus al filé que celui de l’épée, dont la langue dépasse en venin tous les serpents du Nil, dont le souffle porté en poste sur tous les vents, répand le mensonge à tous les coins du monde ; rois, reines, états, vierges, matrones, — secrets de la tombe, même où elle trouve moyen de se glisser, cette vipère de la calomnie souille tout. — Eh bien, Madame, comment vous sentez-vous ?

IMOGÈNE. — Fausse à son lit ! Qu’est-ce que c’est qu’être fausse ? est-ce y rester étendue sans dormir et en pensant à lui ? est-ce pleurer d’un tour du cadran à