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Entre HAMLET

HAMLET. — Le voilà en prières, je puis l’expédier en ce moment, et c’est ce que je vais faire ; — mais alors il va au ciel. Est-ce là me venger ? voilà qui mérite réflexion. Un scélérat tue mon père ; et pour cela, moi son unique fils, j’envoie au ciel ce scélérat. Parbleu, ce n’est passe venger, c’est payer à son forfait gages et salaire. Il tua sauvagement mon père, alors que ce dernier, était appesanti par la digestion, et que tous ses péchés étaient épanouis et abondants comme les fleurs en mai ; comment il a rendu ses comptes, le ciel seul le sait ! mais dans ma pensée et d’après ce que je connais, ils pèsent lourdement sur lui. Et moi, je me croirais vengé en tuant celui-là, au moment où son âme se purge, alors qu’il est en bonne préparation, bien équipé pour son voyage ? Non. Dans ta gaine, mon épée ; réserve-toi pour un coup plus horrible : lorsqu’il sera ivre, endormi, en proie à la rage, plongé dans les plaisirs incestueux de son lit, jouant, blasphémant, ou occupé à toute autre action n’ayant Aucun atome des vertus qui sauvent, alors abats-le-moi, de façon qu’il donne du talon contre le ciel, et que son âme soit aussi damnée et aussi noire que l’enfer où elle ira. Ma mère attend : — ce remède-ci ne fait que prolonger tes jours condamnés. (Il sort.)

LE ROI se lève.

LE ROI. — Mes paroles montent en haut, mais mes pensées restent en bas : des paroles séparées de leurs pensées ne montèrent jamais au ciel. (Il sort.)

SCÈNE IV.

Un autre appartement dans le château.
Entrent LA REINE et POLONIUS.

POLONIUS. — Il va venir tout de suite. Ayez soin de le tancer vertement ; dites-lui que ses incartades sont al-