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prompte qu’il le dit. Antoine gouverna d’abord seul à Rome où il commença par faire regretter Brutus. Plus tard, vint Octave, et dès son arrivée, Antoine et lui se déclarèrent ennemis, et cherchèrent par tous les moyens à se nuire mutuellement auprès du peuple ; il y eut enfin toute la guerre civile de Modène entre cette première rivalité et la concorde passagère qui donna naissance au triumvirat que nous présente la première scène de l’acte suivant.

5. Cette singulière aventure si caractéristique des journées d’émeute est rapportée à la fois par Plutarque et par Suétone.


ACTE IV.


1. Ce fut Brutus lui-même, qui jugea et condamna Lucius Pella, le lendemain même de la scène que Shakespeare va nous montrer. Cette condamnation ne précéda donc pas la dispute de Cassius et de Brutus, mais la suivit au contraire. Du reste Cassius, nous apprend Plutarque, s’en montra fort affligé, et fit valoir pour excuser Pella les mêmes excuses qu’il présente dans Shakespeare.

2. Ce grotesque incident est historique ; seulement ce faiseur d’embarras n’était pas un poëte, mais un philosophe, et s’appelait Favonius. Voici comment Plutarque raconte cette anecdote : « Bientôt ils (Brutus et Cassius) se laissent emporter aux larmes et aux mots blessants : leurs amis étonnés de leur violence et de leur ton de colère, craignent qu’il n’en résulte quelque chose de fâcheux ; mais l’entrée de la chambre leur est interdite. Marcus Favonius, ce partisan zélé de Caton, philosophe moins par raison que par une fougue et une passion furieuses, veut entrer et est arrêté par les esclaves. Mais c’était toute une affaire de contenir Favonius quand il s’était mis quelque chose en tête : il était en tout violent et emporté. Il considérait comme rien d’être sénateur romain ; et la liberté cynique de son langage ne servait point à le relever, ses boutades intempestives n’étant presque jamais accueillies que par des rires. Il écarte en ce moment avec violence les mains de ceux qui le repoussent, entre, et grossissant sa voix, il récite les vers que Nestor prononce dans Homère :

Mais écoutez, votre âge est au-dessous du mien,


et le reste. Cassius se met à rire, mais Brutus le chasse en l’appelant faux chien et franc cynique. Cependant ils ne poussent pas plus loin leurs contestations et se retirent. Cassius donnait un dîner ; Brutus s’y rend avec ses amis. On était assis, quand Favonius arrive en sortant du bain. Brutus proteste qu’il ne l’a pas invité et ordonne qu’on le mette au haut bout de la table : Favonius se place de force au milieu. Il règne dans le repas une aimable gaieté qui n’exclut pas la philosophie. » (Plutarque, Vie de Brutus. Traduction Talbot.)