Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1870, tome 7.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naisse les secrets qui vous regardent ? ne suis-je à vous que d’une certaine manière, d’une manière restreinte et limitée pour ainsi dire, pour vous tenir compagnie pendant les repas, réjouir votre lit, et vous parler de temps à autre ? Est-ce que je n’habite que dans les faubourgs de votre bon plaisir ? Si tout ce qui m’appartient se borne à cela, Portia est la concubine de Brutus, et non pas sa femme.

Brutus. — Vous êtes ma loyale et honorable épouse, et vous m’êtes aussi chère que les gouttes vermeilles qui visitent mon cœur attristé.

Portia. — Si cela était vrai, je connaîtrais ce secret. J’accorde que je suis une femme, mais une femme que le Seigneur Brutus prit pour épouse ; j’accorde que je suis une femme, mais une femme digne de son nom de fille de Caton. Pensez-vous que je ne suis pas plus forte que mon sexe, ayant un tel père et un tel mari ? Dites-moi vos secrets, je ne les dévoilerai pas : j’ai donné une assez grande preuve de ma fermeté en me faisant ici, à la cuisse, une blessure volontaire : comment ! j’aurais pu supporter cela avec patience, et je ne pourrais pas porter les secrets de mon époux ?

Brutus. — Ô vous, Dieux, rendez-moi digne de cette noble épouse ! (On frappe à l’extérieur.) Écoutez, écoutez ! on frappe. Portia, rentre un instant ; et tout à l’heure ton sein recevra les secrets de mon cœur ; je t’expliquerai tous mes engagements, tout ce qui est écrit sur mon front assombri : quitte-moi en toute hâte. (Sort Portia.) Lucius, qui frappe ?


Rentre LUCIUS suivi par LIGARIUS.

Lucius. — Voici un homme malade qui voudrait vous parler.

Brutus. — Caïus Ligarius, dont Métellus parlait. — Enfant, laisse-nous. (Sort Lucius.) Eh bien, Caïus Ligarius5 ?

Ligarius. — Acceptez le bonjour d’une voix bien affaiblie.

Brutus. — Oh ! quel moment vous avez choisi, brave