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EXTRAIT DES ŒUVRES ITALIENNES DU BANDEL.

toutefois puisque j’ai tant fait, et le péril n’étant encore trop évident, je passerai outre pour en voir la fin, et irai voir Catelle, à laquelle Lactance n’a point encore grande accointance, puis nous aviserons à ce qui sera de faire, espérant en Dieu, qui connaît mon cœur, qu’il fera prospérer mon affaire si bien, que je m’attends que mon ami ne sera jamais l’époux d’autre que de Nicole votre belle fille.

Ainsi s’en va vers le logis de Catelle, où ce beau Romule fut introduit par la chambrière, le vieillard étant en ville pour ses affaires et négoces. Catelle voyant que le page de Lactance était en bas, qui voulait lui parler, elle qui s’en était si follement amourachée, comme Lactance mourait après elle, et Romule définait pour l’amour de son maître, vint tout soudain vers lui, qui lui fit tout aussitôt le discours de son ambassade ; mais Catelle, qui avait plus l’œil sur l’orateur, et sur la naïve beauté, que l’oreille aux paroles venant d’ailleurs, était en une étrange peine, et volontiers se fût jetée à son col pour le baiser tout à son aise, mais la honte la retint pour un temps : à la fin n’en pouvant plus, et vaincue de cette impatience d’amour, et se trouvant favorisée de la commodité, ne sut se tant commander, que l’embrassant fort étroitement elle ne le baisât plus d’une douzaine de fois, et ce, avec telle lascivité et gestes effrontés, que Romule s’aperçut bien que celle-ci avait plus chère son accointance que les ambassades de celui qui la courtisait. À cette cause lui dit :

— Je vous prie, madame, me faire tant de bien que me donnant congé, j’aie de vous quelque gracieuse réponse, avec laquelle je puisse faire content et joyeux mon seigneur, lequel est en souci et tourment continuel, pour ne savoir votre volonté vers lui, et s’il a rien acquis en vos bonnes grâces.