Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 14.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
435
EXTRAIT DES ŒUVRES ITALIENNES DU BANDEL.

en sa maison pour la récréer, ayant ainsi donné charge à la religieuse de lui donner licence. Ayant donc Nicole fait venir sa nourrice au monastère, la raisonna en secret, lui manifestant sa pensée, et tout ce qu’elle avait entrepris de faire : sur quoi la bonne femme la tança, et remontra la malséance d’une fille en tel habit, les périls qui en peuvent survenir, et le scandale pour son honneur si la chose venait en connaissance. Mais l’opiniâtreté de Nicole eut plus de force que les raisons de la vieille, laquelle la mena en sa maison : et vêtue qu’elle l’eut en garçon, le lendemain l’envoya pour trouver parti en la rue, où se tenait Lactance, lequel la voyant en cet équipage, estimant autre cas que ce qu’elle était, s’étant enquis de son état, et le voyant de bonne grâce, la retint à son service. Voilà cette fille sous le nom de Romule se mettre en hasard de prodiguer sa virginité, étant reconnue pour telle qu’elle était ; et qui lui eût demandé qui l’induisait à ce faire, toute raison laissée, on eût eu recours à la déraison, et dit que c’était l’amour à qui personne ne saurait faire résistance. Ce page fendu servait avec telle diligence son maître, et se montrait si bien appris et gracieux à chacun, que son maître se glorifiait de n’avoir été si bien servi de sa vie, et pour ce le vêtit fort gentiment de ses couleurs, et le caressait, et aimait sur toute chose, ce qui donnait un merveilleux contentement au feint Romule, espérant par ce moyen trouver voie pour se découvrir, et faire Lactance tant sien, qu’enfin il quitterait sa Catelle, car ainsi s’appelait celle que Lactance amourachait avec si grande captivité et servitude. Et ce d’autant que cette fine femelle ne tenait compte de lui, quoiqu’il l’aimât ardemment, toutefois ne se fiait guère en ses promesses. Le jeune homme connaissait le bon esprit de son Romule, comme il haranguait et discourait bien à propos, l’ayant embouché de ce qu’il avait à dire, l’envoya à sa maîtresse,