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EXTRAIT DES NOUVELLES DU PURGATOIRE DE TARLETON.

conter à ces messieurs ce qui s’était passé entre sa maîtresse et lui. Lionel, la face souriante, se mit à décrire sa maîtresse, la maison et la rue où elle demeurait, comment il s’était épris d’elle, et comment il avait eu recours aux conseils du docteur qui dans toute cette affaire était son confident. Margaretta écoutait ce récit avec la plus vive inquiétude ; et, avant qu’il l’eût achevé, elle lui fît donner par une de ses sœurs une coupe de vin dans laquelle était un anneau qu’elle avait reçu de Lionel. Celui-ci venait de raconter comment il avait échappé à l’incendie, et se préparait à attester la vérité de toute l’histoire, quand cette dame but à sa santé ; Lionel prit la coupe pour lui faire raison, et aperçut l’anneau. Ayant l’esprit vif et la tête fine, il comprit tout, et devina qu’il avait révélé toutes ses évasions en présence du mari même de sa maîtresse. Sur ce, buvant le vin et avalant l’anneau, il poursuivit :

— Messieurs, que pensez-vous de mes amours et de mes aventures ?

— Voyons, dirent les convives, dites-nous si tout cela est bien vrai.

— Si cela était vrai, répliqua Lionel, aurais-je la simplicité de le révéler au mari même de Margaretta ? Sachez-le, messieurs, je savais fort bien que Mutio était le mari de celle que j’ai prétendu être ma maîtresse ; mais, comme il est généralement connu dans Pise pour être fou de jalousie, je lui ai mis en tête tous ces contes de mon invention pour l’amener au paradis des fous ; car, croyez-moi, foi de gentilhomme, je n’ai jamais parlé à sa femme, je n’ai jamais été dans sa compagnie, et je ne la reconnaîtrais pas si je la voyais.

Sur ce, tous se mirent à rire de Mutio qui était honteux d’avoir été ainsi bafoué par Lionel ; tout alla bien ; on réconcilia le mari et la femme. Mais la plaisanterie