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LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

sir tobie.

Instruis-nous, instruis-nous ; parle-nous de lui.

maria.

Eh bien, monsieur, cet homme est par moments une espèce de puritain.

sir andré.

Oh ! si je croyais ça, je le battrais comme un chien.

sir tobie.

Quoi ! s’il était puritain ! quelle exquise raison as-tu pour ça, chevalier ?

sir andré.

Je n’ai pas pour cela de raison exquise, mais j’ai des raisons suffisantes.

maria.

C’est un diable de puritain, ou à coup sûr ce n’est rien moins qu’un homme accommodant ; un âne plein d’affectation qui, sans étude, sait la société par cœur, et débite ses maximes par grandes gerbes ; tout féru de lui-même, et se croyant tellement bourré de perfections qu’il est fermement convaincu qu’on ne peut le voir sans l’aimer ; c’est dans ce travers même que ma vengeance va trouver un notable sujet de s’exercer.

sir tobie.

Que vas-tu faire ?

maria.

Je vais laisser tomber sur son chemin une mystérieuse lettre d’amour, dans laquelle il se croira très-clairement désigné par des allusions à la couleur de sa barbe, à la forme de sa jambe, à sa tournure, à l’expression de ses yeux, de son front, de sa physionomie. Mon écriture ressemble fort à celle de madame, votre nièce ; sur un sujet oublié nous pourrions à peine les distinguer.

sir tobie.

Excellent ! je flaire la farce.