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LE SOIR DES ROIS ou CE QUE VOUS VOUDREZ.

olivia.

Qu’on l’emmène ! Plus de fol ici !

feste.

Vous entendez, marauds ? Emmenez madame : plus de folle ici !

olivia.

Allons, vous êtes un bien maigre fou ; je ne veux plus de vous ; en outre, vous devenez malhonnête.

feste.

Deux défauts, madone, que la bonne chère et les bons conseils amenderont ; car nourrissez bien le fou, et le fou ne sera plus maigre ; dites à l’homme malhonnête de s’amender ; s’il s’amende, il n’est plus malhonnête ; s’il ne s’amende pas, que le ravaudeur le ramende ! Tout ce qui est amendé, n’est en réalité que rapiécé. La vertu qui dévoie est rapiécée de vice ; le vice qui s’amende est rapiécé de vertu. Si ce simple syllogisme peut passer, tant mieux ; sinon, quel remède ? Comme il n’y a de vrai cocuage que le malheur, de même la beauté est une fleur… Madame dit qu’elle ne veut plus de folle ici ; conséquemment, je le répète, qu’on emmène madame.

olivia.

Monsieur, c’est vous que j’ai dit d’emmener.

feste.

Méprise au premier chef !… Madame, cucullus non facit monachum, ce qui revient à dire que je n’ai pas de marotte dans ma cervelle. Bonne madone, permettez-moi de vous prouver que vous êtes folle.

olivia.

Pourriez-vous le prouver ?

feste.

Lestement, bonne madone.

olivia.

Faites votre preuve.