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LA COMÉDIE DES ERREURS.

dromion d’éphèse.

— Et lui, il sanctifiera par de nouveaux soufflets la croix que vous m’aurez faite ; — entre vous deux j’aurai une sacrée tête !

adriana.

— Hors d’ici, méchant bavard ! ramène ton maître, et rondement.

dromion d’éphèse.

— Suis-je donc rond avec vous, autant que vous l’êtes avec moi, — pour que vous me relanciez comme une balle de paume ? — Vous me chassez d’ici, lui me chasse de là-bas ; — si je reste à ce service-là, au moins revêtez-moi de cuir (20).

Il sort.
luciana.

— Fi ! comme l’impatience assombrit votre visage !

adriana.

— Il faut qu’il accorde à ses mignonnes la faveur de sa compagnie, — tandis qu’à la maison je suis affamée d’un regard aimable. — L’âge brutal a-t-il enlevé les séductions de la beauté — à mon pauvre visage ? eh bien, c’est lui qui l’a ravagé. — Ma conversation est-elle ennuyeuse, mon esprit stérile ? — Si je n’ai plus la parole vive et piquante, — c’est que son insensibilité, plus dure que le marbre, l’a émoussée. — Est-ce par leurs parures éclatantes qu’elles amorcent ses affections ? — Ce n’est pas ma faute : il est le maître de ma fortune. — Quelles ruines y a-t-il en moi qui n’aient été — ruinées par lui ? Si je suis défigurée, — c’est lui qui en est cause. Un regard radieux de lui — réparerait bien vite ma beauté délabrée. — Mais lui, cher indocile, il a brisé sa cage, — et cherche pâture ailleurs ; et moi, pauvrette, je ne suis plus que son chaperon.

luciana.

— Funeste jalousie ! fi ! bannissez-la.