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LES JOYEUSES ÉPOUSES DE WINDSOR.

l’amour accepte la raison pour médecin, il ne l’admet pas pour conseiller. Vous n’êtes plus jeune, moi non plus ; eh bien donc, voilà une sympathie ! Vous êtes gaie, et moi aussi ; ha ! ha ! voilà une sympathie de plus. Vous aimez le vin, et moi aussi ; pouvez-vous désirer une plus forte sympathie ? Qu’il te suffise, maîtresse Page (si du moins l’amour d’un soldat peut te suffire), de savoir que je t’aime ! Je ne te dirai pas : Aie pitié de moi. Ce n’est pas un mot de soldat ; mais je te dirai : Aime-moi.

Par moi,
Ton véritable chevalier,
De jour ou de nuit,
À toute espèce de lumière,
Prêt à se battre pour toi,
Avec toutes ses forces.
John Falstaff (7).

Quel Hérode de Judée est-ce là ? Ô perversité, perversité du monde ! Un homme presque mis en pièces par l’âge, faire ainsi le vert galant ! Quel trait de légèreté, au nom du diable, cet ivrogne flamand a-t-il pu saisir dans ma conduite, pour oser m’attaquer de cette manière ? Mais il s’est trouvé trois fois à peine dans ma compagnie ! Qu’ai-je donc pu lui dire ?… J’ai été alors fort sobre de ma gaîté, Dieu me pardonne ! Ah ! je veux présenter un bill au parlement pour la répression des hommes. Comment me vengerai-je de lui ? Car je me vengerai, aussi vrai que ses tripes sont faites de boudins !

Entre mistress Gué.
mistress gué.

Mistress Page ! sur ma parole, j’allais chez vous.

mistress page.

Et moi, sur ma parole, je venais chez vous. Vous ne paraissez pas bien.

mistress gué.

C’est ce que je ne croirai jamais ; je puis prouver le contraire.