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SCÈNE I.

l’emporte, — il se laisse affamer sans oser y toucher ! — Ainsi York doit rester là, se morfondant et se mordant les lèvres, — pendant qu’on marchande et qu’on vend ses propres domaines ! — On dirait que les royaumes d’Angleterre, de France et d’Irlande — ont sur ma chair et sur mon sang la même action — que le fatal brandon d’Athée avait, en se consumant, — sur le cœur du prince de Calydon (4) !… — L’Anjou et le Maine, tous deux donnés aux Français ! Cette nouvelle me glace ; car je comptais sur la France — autant que sur le sol de la fertile Angleterre. — Un jour viendra où York revendiquera son bien. — Dans ce but, je vais prendre le parti des Nevils — et montrer un semblant de sympathie pour le fier duc Homphroy ; — puis, quand je verrai le moment bon, je réclamerai la couronne, — car c’est la cible d’or que je prétends atteindre. — Non, ce fier Lancastre n’usurpera pas mes droits, — il ne tiendra pas le sceptre dans son poignet d’enfant, — il ne portera pas le diadème sur sa tête ! — Ses goûts de sacristie ne vont pas à une couronne ! — Donc, York, reste calme jusqu’à ce que l’occasion te serve. — Tandis que les autres s’endorment, — veille et mets-toi aux aguets — pour surprendre les secrets de l’État. — Attendons que Henry, s’enivrant des jouissances de l’amour — avec sa nouvelle mariée, avec cette reine si chèrement achetée par l’Angleterre, et le duc Homphroy soient en querelle avec les pairs. Alors j’arborerai la rose blanche comme le lait, — dont le doux parfum embaumera l’air ; — puis, sur mon étendard je déploierai les armes d’York — afin de lutter avec la maison de Lancastre ; — et je l’obligerai de force à me céder la couronne, — ce roi dont le pouvoir clérical a fait déchoir l’Angleterre.

Il sort.