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HENRY VIII.

chiens d’un village, — aboient quand les autres aboient : c’est par quelques-uns de ces gens-là — que la reine a été irritée contre vous. Vous êtes disculpé ; — mais voulez-vous être plus amplement justifié ? Toujours vous — avez désiré qu’on assoupît cette affaire ; jamais — vous n’avez souhaité qu’on l’éveillât ; loin de là, vous avez souvent, très-souvent, — fait obstacle à ses progrès. Sur mon honneur, — je rends ce témoignage à mon bon lord cardinal, — et je le lave complètement sur ce point. Maintenant, comment ai-je été amené là ? — Pour vous le dire, je réclamerai de vous un moment d’attention. — Suivez bien la déduction. Voici comment la chose est venue ; écoutez. — Les premières inquiétudes que conçut ma conscience, — les premiers scrupules qui l’agitèrent, furent éveillés par certaines paroles — de l’évêque de Bayonne, alors ambassadeur en France, — qui avait été envoyé ici pour négocier — un mariage entre le duc d’Orléans et — notre fille Marie. Dans le cours de cette affaire, — avant de se déterminer à une résolution, ce personnage — (je veux dire l’évêque) demanda un délai, — pour soumettre au roi son maître la question de savoir — si notre fille était légitime, — étant issue de notre mariage avec la douairière, — ci-devant épouse de mon frère. Ce délai ébranla — profondément ma conscience, la pénétra, — y provoqua des déchirements, et fît trembler — toute la région de mon cœur : l’accès ainsi forcé, — mille réflexions confuses se pressèrent dans mon esprit, — sous la pression d’une telle anxiété. Il me sembla d’abord — que le ciel avait cessé de me sourire, lui qui, — commandant à la nature, avait exigé que le sein de ma femme, — s’il concevait de moi un enfant mâle, — ne lui donnât pas plus de vie que — la tombe n’en donne aux morts ; en effet tous ses enfants mâles — sont morts là même où ils avaient été engendrés, ou peu de temps — après avoir respiré l’air de ce monde. Je crus désormais — que c’était là