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HENRY VI.

le roi edouard.

— Veillez à ce qu’il soit transféré à la Tour. — Et nous, frères, allons voir l’homme qui l’a pris, — pour nous informer des détails de cette arrestation. — Venez avec nous, veuve… Milords, ayez pour elle de grands égards.


Sortent le roi Édouard, lady Grey, Clarence et le noble (46).
glocester, seul.

— Oui-dà, Édouard a de grands égards pour les femmes ! — Je voudrais qu’il fût épuisé jusqu’à la moelle des os, — tellement qu’il ne pût naître de ses flancs aucun rejeton vivace — capable de me barrer l’avenir d’or auquel j’aspire ! — Et pourtant, entre le but de mon âme et moi — (la royauté du libertin Édouard enterrée), — il y a Clarence, Henry et son jeune fils Édouard, — et tous leurs descendants encore inconnus, — lesquels doivent prendre place avant moi : — réflexion réfrigérante pour mon ambition ! — Aussi bien, je ne fais que songer à la souveraineté, — comme un homme qui, debout sur un promontoire, — d’où il aperçoit au loin la plage qu’il voudrait fouler, — souhaite d’avoir le pas aussi étendu que le regard, — et maudit l’Océan qui le sépare du but, — en disant qu’il le mettra à sec pour s’ouvrir un passage. — Ainsi je souhaite la couronne, qui est si lointaine ; — et ainsi je maudis les intermédiaires qui m’en séparent ; — et ainsi je dis que je trancherai tous les obstacles, — me flattant de faire l’impossible. — Mon regard est trop vif, mon cœur trop outrecuidant, — si mon énergie et mon bras ne sont pas à la hauteur. — Et supposons qu’il n’y ait pas de royauté pour Richard ; — quelle autre jouissance le monde peut-il lui offrir ? — Puis-je me faire un paradis dans le giron d’une femme, — et parer ma personne de brillants ornements, — et enchanter les belles dames de mes paroles et de mes regards ? — Ô misérable pensée, plus irréalisable — que la