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Gallois ! Criblé de travers sympathiques, bourru, brouillon, emporté, prenant feu comme le salpêtre, trouvant partout à redire, bougonnant contre le présent au nom du passé, avare d’éloges, prodigue de critiques, toujours prêt à pester contre ses chefs et à qualifier d’âne le commandant qui dirige les opérations, mais loyal jusqu’à la mort, franc à outrance, inébranlable sur le point d’honneur, implacable aux lâches et aux fanfarons, impassible et serein sous le feu ennemi, Fluellen est le grognard de la grande armée britannique.

Harfleur, abandonnée à elle-même, n’a plus qu’à se rendre : elle cède enfin, moins à la violence qu’à l’éloquence de Henry. Le magnanime capitaine pénètre pacifiquement dans la ville assiégée. Ce n’est pas un maître qui arrive, c’est plutôt un libérateur. Henry traite la France non en pays conquis, mais en pays ami. Il entend que ses victoires soient au profit des vaincus. Il maintient parmi ses soldats la plus stricte et la plus rigoureuse discipline. Il commande expressément « qu’on n’extorque rien des villages, qu’on ne prenne rien qu’en payant, qu’on ne fasse aucun outrage, qu’on n’adresse aucune parole méprisante aux Français. Car, quand la bonté et la cruauté jouent pour un royaume, c’est la joueuse la plus douce qui gagne. » Gare à qui enfreindrait cet ordre du jour ! Gare au flibustier qui pillerait une chaumière ou volerait une église ! Malheur à l’Anglais qui dévaliserait un Français ! Sans forme de procès, il expierait de la hart sa hardiesse grande, et il aurait le sort du misérable Bardolphe, dont la trogne blémie pend lugubrement à un arbre de la route. — Henry est un miséricordieux inflexible. Il ne pardonne pas les abus de la violence. Il réprouve la rapine, cette prime de la bataille. Le pillage, autorisé et consacré par nos généraux modernes, fait horreur à ce combattant du moyen âge. Il n’excuse même pas la