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fidèles. Elle ne s’élance plus à l’attaque de la révolution, en criant Espérance et Percy ! Elle ne combat plus, elle conspire. Elle conspire lâchement, hypocritement, l’adulation sur les lèvres, la félonie au cœur. Soudoyée par l’étranger, elle caresse l’usurpateur, elle l’embrasse, elle le suit dans son alcôve, elle couche avec lui, — pour mieux l’assassiner ! Au lieu du glaive flamboyant d’Hotspur, elle brandit dans l’ombre d’une ruelle le sinistre couteau d’Henry Scroop : « Oh ! que te dirai-je à toi, lord Scroop, cruelle, ingrate, sauvage, inhumaine créature ! Quel que soit l’astucieux démon qui t’a entraîné si absurdement, il a dans l’enfer la palme de l’excellence. Un homme a-t-il la mine loyale ? Eh bien, tu l’avais aussi. A-t-il l’air grave et instruit ? Eh bien, tu l’avais aussi. Est-il d’une noble famille ? Eh bien, tu l’étais aussi. A-t-il l’air religieux ? Eh bien, tu l’avais aussi. Ta chute a laissé une marque qui entache de soupçon l’homme le plus accompli ! »

La tentative d’assassinat découverte à Southampton est le dernier effort du parti de la légitimité contre la révolution incarnée dans Henry V. Le complot avorté, ce parti disparaît dans les ténèbres de honte où le relègue le mépris public. Plus de rébellion, plus de discorde. L’Angleterre se rallie unanime au chef éminent qui la représente ; elle s’absorbe dans la souveraineté de Henry de Lancastre. — Quelle direction Henry va-t-il donner au pouvoir que lui délègue ainsi le concours universel ? Quel usage va-t-il faire de sa royale dictature ?

Ici s’impose l’inéluctable force des choses. Un gouvernement en qui se résume une nation, doit accorder une ample satisfaction aux besoins de cette nation, ouvrir une large issue à ses aspirations essentielles, prêter enfin une volonté à ses instincts les plus impérieux. Or, c’est pour toute nation une nécessité de s’épancher, de se répandre