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CORIOLAN.

deuxième citoyen.

Nous n’avons jamais de vous que de bonnes paroles.

marcius.

— Celui qui t’accorderait une bonne parole serait un flatteur — au-dessous du dégoût… Que vous faut-il, aboyeurs, — à qui ne conviennent ni la paix ni la guerre ? L’une vous épouvante, — l’autre vous rend insolents. Celui qui compte sur vous — trouve, le moment venu, au lieu de lions, des lièvres, — au lieu de renards, des oies. Non, vous n’êtes pas plus sûrs — qu’un tison ardent sur la glace, — qu’un grêlon au soleil. Votre vertu consiste — à exalter celui que ses fautes ont abattu, — et à maudire la justice qui l’a frappé. Qui mérite la gloire — mérite voire haine, et vos affections sont — les appétits d’un malade qui désire surtout — ce qui peut augmenter son mal. S’appuyer — sur voire faveur, c’est nager avec des nageoires de plomb — et vouloir abattre un chêne avec un roseau. Se fier à vous ! Plutôt vous pendre ! — À chaque minute vous changez d’idée : — vous trouvez noble celui que vous haïssiez tout à l’heure, — infâme celui que vous couronniez. Qu’y a-t-il ? — Pourquoi, dans les divers quartiers de la cité, — criez-vous ainsi contre ce noble sénat qui, — sous l’égide des dieux, vous tient en respect et empêche — que vous ne vous dévoriez les uns les autres ?

À Ménénius.

Que réclament-ils ?

ménénius.

— Du blé au prix qui leur plaît : ils disent — que la ville en regorge.

marcius.

Les pendards ! ils parlent ! — Assis au coin du feu, ils prétendent juger — ce qui se fait au Capitole, qui a chance d’élévation, — qui prospère et qui décline, épousent telle faction, forment — des alliances conjecturales,