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EXTRAIT DE L'ARCADIE DE SYDNEY.


EXTRAIT DE L’ARCADIE

DE SYDNEY[1]
[Traduit de l’anglais par F.-V. Hugo].
LIVRE II, CHAP. X.
La pitoyable condition et histoire du méchant Roi de Paphlagonie et de son fils, relatées d’abord par le fils, puis par le père aveugle. Les trois Princes assaillis par Plexirtus et son escorte, assistés par le roi de Pont et ses troupes. Plexirtus secouru et sauvé par ses deux frères qui aimaient vertueusement un homme très-vicieux, assiégé par le nouveau Roi : il se soumet et est pardonné.

C’était dans le royaume de Galatie ; la saison était froide comme au cœur de l’hiver et avait dégénéré soudainement en une tempête si furieuse et si sombre que jamais aucun hiver n’avait, je pense, mis au monde un plus sombre enfant : aussi les princes furent forcés par la grêle, que l’insolence du vent leur jetait à la face, de chercher un abri dans le creux d’un rocher qui le leur offrait, et s’en firent un bouclier contre la furie de l’orage.

Tandis qu’ils attendaient là que la violence en fût passée, ils ouïrent parler un couple qui, sans les voir (cachés comme ils étaient sous ce dôme grossier), tenait la plus étrange et la plus lamentable conversation. Ils s’avancèrent donc, mais de façon à rester inaperçus, et alors ils virent un vieillard et un jouvenceau, à peine parvenu à l’âge d’homme, tous deux pauvrement accoutrés et extrêmement hâlés, le vieux homme aveugle, et le jeune homme le conduisant : et pourtant, en dépit de toutes ces misères,

  1. Ce roman pastoral, qui eut un si grand retentissement en Angleterre, à la fin du règne d’Élisabeth, fut publié, pour la première fois, en 1591, cinq ans après la mort de son auteur, sir Philipp Sidney, le fameux chevalier-poëte par qui fut refusé le trône de Pologne. — C’est sur le texte de cette édition qu’est faite notre traduction.