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LE ROI LEAR.

départ est revenue à sa pensée ; — elle importe tellement au salut et à l’existence du royaume — que son retour en personne était tout à fait urgent — et nécessaire.

kent.

Qui a-t-il laissé général à sa place ?

le chevalier.

— Le maréchal de France, monsieur Lafare.

kent.

Votre lettre a-t-elle arraché à la reine quelque démonstration de douleur ?

le chevalier.

— Oui, monsieur, elle l’a prise, l’a lue en ma présence ; — de temps à autre une grosse larme oscillait sur — sa joue délicate ; on eût dit qu’elle dominait en reine — son émotion qui, rebelle obstinée, — cherchait à régner sur elle.

kent.

Oh ! elle a donc été émue !

le chevalier.

— Pas jusqu’à l’emportement : la patience et la douleur luttaient — à qui lui donnerait la plus suave expression. Vous avez vu — le soleil luire à travers la pluie : ses sourires et ses larmes — apparaissaient comme au plus beau jour de mai. Ces heureux sourires, — qui se jouaient sur sa lèvre mûre, semblaient ignorer — les hôtes qui étaient dans ses yeux et qui s’en échappaient — comme des perles tombant de deux diamants… Bref, la douleur — serait la plus adorable rareté, si tous — pouvaient l’embellir ainsi.

kent.

N’a-t-elle pas fait quelque observation ?

le chevalier.

Oui, une fois ou deux elle a soupiré le nom de père, — haletante comme s’il lui oppressait le cœur. — Elle