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LE ROI LEAR.

nos têtes ce terrible fracas, — distinguent maintenant leurs ennemis. Tremble, misérable — qui recèles en toi des crimes non divulgués, — non flagellés par la justice ! Cache-toi, main sanglante, — et toi, parjure, et toi, incestueux, — qui simules la vertu ! Tremble à te briser, infâme — qui, sous le couvert d’une savante hypocrisie, — attentas à la vie de l’homme. Forfaits mis au secret, — forcez vos mystérieuses geôles et demandez grâce — à ces terribles recors !… Moi, je suis — plus victime que coupable.

kent.

Hélas ! tête nue !… — Mon gracieux seigneur, près d’ici est une hutte, — qui vous prêtera un secours contre la tempête. — Allez vous y reposer ; tandis que je me dirigerai vers cette dure maison, — plus dure que la pierre dont elle est bâtie. — Tout à l’heure encore, quand je vous y demandais, — elle a refusé de me recevoir ; mais je vais y retourner et forcer — son avare hospitalité.

lear.

Mes esprits commencent à s’altérer…

Au fou.

— Viens, mon enfant. Comment es-tu, mon enfant ? As-tu froid ? — J’ai froid moi-même.

À Kent.

Où est ce chaume, mon ami ? — La nécessité a l’art étrange — de rendre précieuses les plus viles choses. Voyons votre hutte. — Pauvre diable de fou, j’ai une part de mon cœur — qui souffre aussi pour toi !

le fou.

Celui qui a le plus léger bon sens,
Ô gué ! par la pluie et le vent,
Doit mesurer sa résignation à son sort,
Car la pluie tombe tous les jour.

lear.

— C’est vrai, enfant.